De ma grand-mère, je ne savais rien ou presque. Quelques photos jaunies. Un visage triste aux traits tirés par les naissances qui s’enchaînent. Un prénom slave. Sa mort trop tôt dans un pays qui n’était pas le sien.
Mère à mon tour, étrangère à cet instinct réputé tant naturel que sacré, j'ai eu besoin de comprendre ce qui pouvait nous relier à travers le temps et les lieux.
Plusieurs fois, je suis partie dans cette Pologne si souvent imaginée, aussi bien rude et violente, que bucolique, les fleurs recouvrant les maisons de bois, et partout des nids de cigogne attendant leurs hôtes exilés, dans un cycle éternel fait de départs et de retours.
Sur les traces d'un fantôme, j'ai senti soudainement la chaleur d'une main dans la mienne. J'ai vu cet enfant jouer et percer de son rire les forêts obscures, j'ai entendu ses pas dans des maisons de famille qui n'étaient pas les nôtres. J'ai observé ce visage parfois mélancolique aux yeux clairs comme les miens, ceux de mon père et comme ceux qui nous ont précédés.
Face à cette mémoire familiale effacée et dont les ultimes bribes disparaissaient dans un brouillard épais semblable à celui d'un hiver polonais, une autre histoire se révélait. Un album de famille s'ouvrait.